Habituellement la sortie de l’hiver se faisait en douceur et nous permettait de dérouiller doucement notre gestuelle tout en ré-apprivoisant une masse d’air qui s’activait progressivement avec l’arrivée des chaleurs printanières.
Confinement oblige cette année, qu’on le veuille ou non, le scénario sera différent.
Si les auspices se confirment nous déconfinerons mi-mai, soit au cœur d’une période aérologique très intense. Autrement dit notre attitude globale de pilote devra rapidement se synchroniser avec cette temporalité un peu chamboulée. Ce qui revient à dire que nos actions de pilotage devront donc être propres et efficaces, notre mental et notre analyse prêts et affûtés.
D’autre part, et c’est tout le paradoxe, après 2 mois cloués au sol, notre envie de voler est très forte, notre motivation monte en puissance à l’approche du son de la cloche qui nous libèrera. En d’autres termes : On est morts de faim !
Alors bien évidemment il existe plusieurs attitudes pour faire face à cette drôle de situation.
Choisir de l’ignorer tout en matant Netflix : « boa, moi le 11 mai ? direct je monte au déco et bim c’est parti ! »
Se dire : « Non , mais je vais y aller tranquille, un petit vol quelques jours plus tard, rien de méchant… ». Bon si il n’y a qu’un court créneau de beau temps cette semainelà il faudra faire preuve d’une belle abnégation pour se contraindre (encore…), mais pourquoi pas.
Choisir, comme l'incite la fédération, d’aller faire un peu de gonflage, ce qui est un bon point, mais quel volume de gonflage prépare votre mental ?
Bref, les réponses seront à l’image de notre personnalité et de la représentation que nous nous faisons de notre sport.
Dans le texte ci-dessous je souhaitais partager la vision de ce que sera probablement mon retour au parapente et comment je procède. C’est ce que j’appelle ma stratégie de reprise. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise, c’est juste la mienne et c’est déjà bien suffisant. Peut-être y trouverez-vous des pistes qui vous intéresseront, à vous de voir.
Le contexte
J’ai tout d’abord pris le temps d’étudier objectivement et honnêtement le contexte général pour bien le prendre en compte, à savoir :
° je suis à la maison alors qu’habituellement j’empile les heures de vols
° ma technique n’est pas au top
° j’ai envie de réaliser des vols avant que le travail estival ne me happe jusqu’à l’automne
° une partie de la saison de vol est passée
° quand je vais revoler je ne veux pas trop perdre de temps
° je ne souhaite pas me retrouver à l’hosto pour un accident,surtout lié à une pratique perso mal gérée : je me sentirai mal à l'aise de venir impacter les services d’urgence
J’ai donc choisi de considérer cette reprise comme je préparerai une compétition ou une ascension en montagne : il faut s’entrainer pour le rendez-vous car lorsque le créneau sera là je sais que mon envie sera la plus forte. A moi d’être prêt.
Les objectifs
Pour avoir une stratégie cohérente il a fallu que je définisse un périmètre d’objectifs structurés réalisables rapidement, en fonction du temps et des moyens que je pouvais/voulais y consacrer. Cela m’a également aidé à garder de la motivation les jours où le confinement était trop pesant. En outre cela m’a aidé à travailler mon analyse puisque je devais échafauder les conditions permettant leur réalisation.
Je me suis donc recentré sur le cross (mais sans ambition de grosse performance car je n’aurai pas assez de volume) et sur le hike and fly, version bivouac.
La combinaison des deux me donnant un espace assez large de projets potentiels, cela a également mis du relief dans mon quotidien en me poussant à imaginer un certain nombre de scénarios qui me plaisent.
Bien, mais la réalité c’est que je ne peux même pas ouvrir mon aile pour faire du gonflage…alors quoi ?
Alors je me suis attaché à construire autour de tout ce qui relève des éléments non techniques du parapente, tout ce qui n’est pas du pilotage pur.
J’en ai défini 4 axes de travail principaux.
Les axes de travail
Le physique.
Oui je sais, pour certains ça les fait marrer de parler de physique. Pourtant quand on y réfléchi un peu l’entrainement physique augmente votre résistance à la fatigue, améliore la qualité de vos réflexes, conditionne la réponse que l’on pourra fournir aux G en rotation par exemple. Bref, un peu de physique ne fait pas de mal et on a le temps. J’ai choisi de travailler le cardio (footing,velo) et les gainages car ces deux points me paraissent intéressants. Ensuite à chacun de trouver le volume dans la durée et la répétition des séances selon son niveau de départ.
Le spécifique.
En parallèle je travaille des mises en situation spécifique. Par exemple je me mets sur un SwissBall et je réalise différents exercices.
Je le fais rouler sur les axes tangage et roulis tout en me concentrant sur la position de mes mains qui doivent rester au neutre. C’est bon pour le gainage et l’équilibre.
J’essaie de récupérer l’équilibre sans réflexes « piétons » (pas de moulinets de bras)
Je passe vite d’une position jambes semi-fléchies à une position groupée, pour simuler du brassage en masse d’air turbulente…etc
J’utilise également un ballon type volley-ball sur lequel je place une planche. Je vais m’asseoir dessus face à un mur et pratiquer des lancers de balles que je tente de récupérer. Pas facile, très bon pour l’attention et l’oreille interne.
Bref j’imagine plein de mises en situations ludiques qui me permettent de reproduire un peu de travail sellette.
J’ai la chance d’avoir un portique, donc je me pose aussi dans la sellette pour me rapprocher au mieux de la réalité.
Le mental
J’ai subdivisé mon entrainement mental en deux parties.
Partie un : Ne pouvant voler je m’appuie sur une pratique qui aide à performer ses gestes : la visualisation.
Cette forme d’imagerie, bien connue des sportifs, aide aussi, par exemple, des musiciens à réaliser certaines gammes complexes. Elle est également utilisée par des kinésithérapeutes pour aider leurs patients à la récupération de leur mobilité articulaire. Je choisi donc des séries de gestes de pilotages (déco, contre, tempo…) et, 10 minutes chaque jour, je fais une petite séance en variant le thème quotidien. Elle s’accompagne d’un peu de respiration pour gagner en efficacité. C’est ce que j’appelle mon échauffement mental.
Partie deux : Ayant défini mes objectifs je consacre un peu de temps à de la pensée positive orientée. Je visionne des videos de parapente qui ressemblent à ce que je souhaite réaliser. Puis je scénarise mentalement des séquences, y compris des séquences compliquées, auxquelles j’apporte des solutions positives en me plaçant en situation de réussite.
Dans les deux cas j’associe ma pratique à un peu de vidéo pour que cela me permette de me projeter. J’y trouve donc du plaisir.
La gestion du risque
Vu le contexte très nouveau que nous vivons, et allons vivre, il m’était impossible d’envisager ma reprise de vol sans me pencher sur ce que sera ma gestion du risque.
Comme vu ci-dessus j’ai défini une stratégie, avec des objectifs. J’ai essayé d’imaginer pour ces derniers plusieurs alternatives de niveau différent mais qui étaient toutes motivantes. Je ne me sens donc pas « acculé » avec un seul scénario.
J’ai mis en place un certain nombre d’indicateurs sur mon état physique et moral. Je leur prête une attention qui va aller croissante quand nous arriverons vers la période de déconfinement. Je me méfie de pas tomber dans l’euphorie ou la surmotivation, mais je suis confiant car la définition de mes objectifs me permet de rester rationnel.
Je sais qu’il me faudra me méfier de l’effet de groupe, du plaisir de retrouver les copains, de se tirer la bourre. J’utiliserai donc le tableau indicateur des facteurs humain que nous enseignons dans la « Safety attitude » utilisée à l’école. C’est un outil qui permet de se raccrocher à des éléments factuels, il faut juste être capable de considérer avec objectivité ce qu’il reflète.
Voilà.
Bien entendu à la relecture de ce texte je me dis qu’il y a beaucoup d’autres choses qui pourraient être mises en œuvre. Soyez donc curieux, imaginatifs, tout ce que vous pourrez entreprendre en amont participera d’un retour au vol serein. Tous les professionnels sont là pour vous aider, vous aiguiller sur le chemin de cette reprise.
Bon courage à tous, prenez soin de vous et à bientôt dans les airs.
Reprise du vol ? une stratégie
Habituellement la sortie de l’hiver se faisait en douceur et nous permettait de dérouiller doucement notre gestuelle tout en ré-apprivoisant une masse d’air qui s’activait progressivement avec l’arrivée des chaleurs printanières.
Confinement oblige cette année, qu’on le veuille ou non, le scénario sera différent.
Si les auspices se confirment nous déconfinerons mi-mai, soit au cœur d’une période aérologique très intense. Autrement dit notre attitude globale de pilote devra rapidement se synchroniser avec cette temporalité un peu chamboulée. Ce qui revient à dire que nos actions de pilotage devront donc être propres et efficaces, notre mental et notre analyse prêts et affûtés.
D’autre part, et c’est tout le paradoxe, après 2 mois cloués au sol, notre envie de voler est très forte, notre motivation monte en puissance à l’approche du son de la cloche qui nous libèrera. En d’autres termes : On est morts de faim !
Alors bien évidemment il existe plusieurs attitudes pour faire face à cette drôle de situation.
Bref, les réponses seront à l’image de notre personnalité et de la représentation que nous nous faisons de notre sport.
Dans le texte ci-dessous je souhaitais partager la vision de ce que sera probablement mon retour au parapente et comment je procède. C’est ce que j’appelle ma stratégie de reprise. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise, c’est juste la mienne et c’est déjà bien suffisant. Peut-être y trouverez-vous des pistes qui vous intéresseront, à vous de voir.
Le contexte
J’ai tout d’abord pris le temps d’étudier objectivement et honnêtement le contexte général pour bien le prendre en compte, à savoir :
° je suis à la maison alors qu’habituellement j’empile les heures de vols
° ma technique n’est pas au top
° j’ai envie de réaliser des vols avant que le travail estival ne me happe jusqu’à l’automne
° une partie de la saison de vol est passée
° quand je vais revoler je ne veux pas trop perdre de temps
° je ne souhaite pas me retrouver à l’hosto pour un accident,surtout lié à une pratique perso mal gérée : je me sentirai mal à l'aise de venir impacter les services d’urgence
J’ai donc choisi de considérer cette reprise comme je préparerai une compétition ou une ascension en montagne : il faut s’entrainer pour le rendez-vous car lorsque le créneau sera là je sais que mon envie sera la plus forte. A moi d’être prêt.
Les objectifs
Pour avoir une stratégie cohérente il a fallu que je définisse un périmètre d’objectifs structurés réalisables rapidement, en fonction du temps et des moyens que je pouvais/voulais y consacrer. Cela m’a également aidé à garder de la motivation les jours où le confinement était trop pesant. En outre cela m’a aidé à travailler mon analyse puisque je devais échafauder les conditions permettant leur réalisation.
Je me suis donc recentré sur le cross (mais sans ambition de grosse performance car je n’aurai pas assez de volume) et sur le hike and fly, version bivouac.
La combinaison des deux me donnant un espace assez large de projets potentiels, cela a également mis du relief dans mon quotidien en me poussant à imaginer un certain nombre de scénarios qui me plaisent.
Bien, mais la réalité c’est que je ne peux même pas ouvrir mon aile pour faire du gonflage…alors quoi ?
Alors je me suis attaché à construire autour de tout ce qui relève des éléments non techniques du parapente, tout ce qui n’est pas du pilotage pur.
J’en ai défini 4 axes de travail principaux.
Les axes de travail
Le physique.
Oui je sais, pour certains ça les fait marrer de parler de physique. Pourtant quand on y réfléchi un peu l’entrainement physique augmente votre résistance à la fatigue, améliore la qualité de vos réflexes, conditionne la réponse que l’on pourra fournir aux G en rotation par exemple. Bref, un peu de physique ne fait pas de mal et on a le temps. J’ai choisi de travailler le cardio (footing,velo) et les gainages car ces deux points me paraissent intéressants. Ensuite à chacun de trouver le volume dans la durée et la répétition des séances selon son niveau de départ.
Le spécifique.
En parallèle je travaille des mises en situation spécifique. Par exemple je me mets sur un SwissBall et je réalise différents exercices.
Je le fais rouler sur les axes tangage et roulis tout en me concentrant sur la position de mes mains qui doivent rester au neutre. C’est bon pour le gainage et l’équilibre.
J’essaie de récupérer l’équilibre sans réflexes « piétons » (pas de moulinets de bras)
Je passe vite d’une position jambes semi-fléchies à une position groupée, pour simuler du brassage en masse d’air turbulente…etc
J’utilise également un ballon type volley-ball sur lequel je place une planche. Je vais m’asseoir dessus face à un mur et pratiquer des lancers de balles que je tente de récupérer. Pas facile, très bon pour l’attention et l’oreille interne.
Bref j’imagine plein de mises en situations ludiques qui me permettent de reproduire un peu de travail sellette.
J’ai la chance d’avoir un portique, donc je me pose aussi dans la sellette pour me rapprocher au mieux de la réalité.
Le mental
J’ai subdivisé mon entrainement mental en deux parties.
Partie un : Ne pouvant voler je m’appuie sur une pratique qui aide à performer ses gestes : la visualisation.
Cette forme d’imagerie, bien connue des sportifs, aide aussi, par exemple, des musiciens à réaliser certaines gammes complexes. Elle est également utilisée par des kinésithérapeutes pour aider leurs patients à la récupération de leur mobilité articulaire. Je choisi donc des séries de gestes de pilotages (déco, contre, tempo…) et, 10 minutes chaque jour, je fais une petite séance en variant le thème quotidien. Elle s’accompagne d’un peu de respiration pour gagner en efficacité. C’est ce que j’appelle mon échauffement mental.
Partie deux : Ayant défini mes objectifs je consacre un peu de temps à de la pensée positive orientée. Je visionne des videos de parapente qui ressemblent à ce que je souhaite réaliser. Puis je scénarise mentalement des séquences, y compris des séquences compliquées, auxquelles j’apporte des solutions positives en me plaçant en situation de réussite.
Dans les deux cas j’associe ma pratique à un peu de vidéo pour que cela me permette de me projeter. J’y trouve donc du plaisir.
La gestion du risque
Vu le contexte très nouveau que nous vivons, et allons vivre, il m’était impossible d’envisager ma reprise de vol sans me pencher sur ce que sera ma gestion du risque.
Comme vu ci-dessus j’ai défini une stratégie, avec des objectifs. J’ai essayé d’imaginer pour ces derniers plusieurs alternatives de niveau différent mais qui étaient toutes motivantes. Je ne me sens donc pas « acculé » avec un seul scénario.
J’ai mis en place un certain nombre d’indicateurs sur mon état physique et moral. Je leur prête une attention qui va aller croissante quand nous arriverons vers la période de déconfinement. Je me méfie de pas tomber dans l’euphorie ou la surmotivation, mais je suis confiant car la définition de mes objectifs me permet de rester rationnel.
Je sais qu’il me faudra me méfier de l’effet de groupe, du plaisir de retrouver les copains, de se tirer la bourre. J’utiliserai donc le tableau indicateur des facteurs humain que nous enseignons dans la « Safety attitude » utilisée à l’école. C’est un outil qui permet de se raccrocher à des éléments factuels, il faut juste être capable de considérer avec objectivité ce qu’il reflète.
Voilà.
Bien entendu à la relecture de ce texte je me dis qu’il y a beaucoup d’autres choses qui pourraient être mises en œuvre. Soyez donc curieux, imaginatifs, tout ce que vous pourrez entreprendre en amont participera d’un retour au vol serein. Tous les professionnels sont là pour vous aider, vous aiguiller sur le chemin de cette reprise.
Bon courage à tous, prenez soin de vous et à bientôt dans les airs.
Philippe